Marlène Gonçalves

«La grappe représente 8 organismes gestionnaires
qui ont fait le choix d'un avenir commun
en déposant un dossier dans le cadre de l'Appel à Projet».

Alexandra Durand, Cheffe de projet du Collectif SI MS Bretagne : Bonjour Marlène Gonçalves. Vous nous faites le plaisir d’être là aujourd’hui, merci. Vous représentez la grappe du GCSMS Part’Age. Dites-nous en plus sur vous.

Marlène Gonçalves : Je suis directrice adjointe au centre hospitalier de Douarnenez et en charge d’un EHPAD autonome. Je suis également cheffe de projet numérique dans la cadre de la grappe du GCSMS Part’Âge. Pour le moment nous sommes au stade de la mise en concurrence pour le choix d’un éditeur.

AD : Nous allons justement parler des grappes… pour rappel c’est un regroupement idéalement de 15 Etablissements et Structures Sociaux et Médico-Sociaux avec un FINESS géographique bien identifié. Ces grappes permettent de répondre aux appels à projet de l’ARS pour avoir des financements pour l’acquisition ou la mise en conformité d’un Dossier Usager Informatisé (DUI).

Présentez-nous le GCSMS Part’Âge et la constitution de votre grappe.

MG : Le GCSMS Part’Âge regroupe des établissements et des résidences autonomie présents dans le département du Finistère. Nous avons actuellement 45 établissements qui représentent 24 organismes gestionnaires de tous statut. Dans le cadre de cette grappe qui s’est constituée en 2022, nous avons échangé sur les thématiques de coopération qui nous intéresseraient et qui seraient porteuses pour nos structures. Elles nécessitent des compétences importantes dont on ne dispose pas forcément dans nos structures de manières isolées. Nous avons donc tout intérêt à nous regrouper pour pouvoir avancer et relever les défis qui nous attendent.

Plusieurs thématiques sont rapidement apparus dans le cadre de la création de ce GCSMS. Il y a : la démarche qualité, le numérique, la valorisation de l’image des établissements d’hébergements pour personnes âgées, le renforcement des dynamiques de coopération, et des réponses collectives notamment lors des appels à projets et appels à candidature qui nous apportent des financements qui aujourd’hui peuvent manquer dans nos structures.

Lorsque nous avons défini la feuille de route du GCSMS Part’Âge pour ses premières années de vie, la dimension numérique est rapidement apparue dans le cadre du plan Ségur Numérique. Nous avions au préalable de la création du GCSMS Part’Âge déjà créé une grappe, que nous avons dû alors abandonner malgré le fait qu’elle avait été retenue en 2021. De plus nous n’étions pas assez mûrs.

Lors de la création de la nouvelle grappe, nous avons ouvert les candidatures. Nous voulions savoir quels établissements seraient intéressés pour la constitution de celle-ci, sachant que nous devions réunir au minimum 15 établissements/entités géographiques désireuses de déployer le même Dossier Usager Informatisé (DUI). Les discussions ont évolué et permis de constituer la grappe qui aujourd’hui est composée de 18 établissements (soit 17 EHPAD et 1 résidence autonomie). La grappe représente 8 organismes gestionnaires qui ont fait le choix d’un avenir commun en déposant un dossier dans le cadre de l’Appel à Projet. Notre dossier a été retenu en 2023.

«C'est en se regroupant comme cela et en identifiant des pilotes par thématiques qu'on arrive à porter tout un collectif vers l'amélioration de la qualité et de nos compétences».

AD : En effet, il y a différentes structures. Vous parlez d’organismes gestionnaires mais il y avait-il des petits et des plus grands ?

MG : Oui tout à fait et de tout statut : fonction publique hospitalière, fonction territoriale, statut associatif. Notre grappe intègre notamment la Fondation Massé Trévidy qui compte 7 établissements. Ce fût un point important dans la constitution de cette grappe et dans les financements qui ont pu être obtenus.

En effet, lorsqu’on intègre dans une grappe un gros organisme gestionnaire, on perd malheureusement des financements (je ne sais pas si c’est toujours le cas aujourd’hui, car les cahiers des charges évoluent bien évidemment). Jusqu’en 2023, il y avait possibilité d’une enveloppe supplémentaire de 100 000 € pour l’accompagnement à l’assistance à maîtrise d’ouvrage. Nous n’avons pas pu l’obtenir du fait de la présence d’un gros organisme gestionnaire pourtant composé de 7 établissements de taille tout à fait classique. Cela a donc nécessité des choix complémentaires en termes d’utilisation des financements obtenus.

AD : En effet, il y a toujours un complément de prévu pour les petits organismes gestionnaires mais c’est vrai qu’avec la présence d’un gros organisme gestionnaire dans la grappe, cela peut changer la donne. Est-ce que toutes les structures de la grappe étaient au même niveau de maturité ? Etaient-ils toujours au crayon papier ou avaient déjà un Dossier Usager Informatisé (DUI) même non référencé Ségur ? Quels outils utilisaient-ils ?

MG : Oui, tous utilisaient déjà un dossier usager informatisé dont 16 organismes gestionnaires de la grappe utilisaient déjà le même. Cela nous a même beaucoup aidé pour l’orientation de notre choix de logiciel référencé Ségur que nous souhaitions déployer par la suite. Le logiciel choisi s’inscrit dans la suite logique du logiciel utilisé par les 16 établissements.

Mais à vrai dire, il y avait tout de même des niveaux de maturité différents. Cela s’explique par le niveau d’information et d’intégration au sein des établissements. Chacun utilise plus ou moins bien ses logiciels.

AD :  Parfois, on entend les structures qui nous disent qu’elles sont inquiètes car la grappe demande un lourd investissement et à l’inverse, des structures déjà en grappe qui sont inquiètes face à l’arrivée de nouveaux membres qui pourraient les ralentir. Qu’en pensez-vous ?

MG : La logique du GCSM c’est de partager avec les structures qui sont moins matures sur certains champs de la compétence et de la connaissance avec des établissements qui le sont davantage. On se rend vraiment compte que des établissements qui sont moins matures sur un domaine vont l’être plus sur un autre. Nous n’avons pas assez de temps au quotidien pour développer nos compétences et connaissances sur tous les champs et toutes les obligations qui s’imposent à nos établissements. C’est en se regroupant comme cela et en identifiant des pilotes par thématiques qu’on arrive à porter tout un collectif vers l’amélioration de la qualité et de nos compétences.

«Nous sommes des facilitateurs»

AD : Comment vous êtes-vous organisés pour déposer votre dossier ?

MG : Il fallait déjà qu’on réunisse 15 entités géographiques pour constituer une grappe. Ça ce n’est que le point de départ !

Il reste un certain nombre de formalités et d’étapes à franchir avant de déposer un dossier officiel de candidature. À ce sujet, au sein du GCSMS Part’Âge, nous sommes partis du principe qu’il était nécessaire d’identifier un binôme comme pilotes sur des problématiques notamment assez complexes comme le numérique et l’informatique. Nous pouvions avoir besoin d’échanger et de discuter sur l’appel à projet pour qu’il soit retenu. On se répartit les thématiques pour que la charge de travail ne repose pas toujours sur les mêmes personnes.

Il est vrai que beaucoup d’établissements se sentent démunis face à la manière de répondre aux enjeux du plan Ségur du numérique. Nous sommes tous conscients, qu’il faut y aller et qu’il s’agit de grandes avancées en termes de fluidification de parcours des personnes que l’on accompagne et de coordination des acteurs. On se rend bien compte que l’on doit le faire dans un temps aussi très très court. Or, nous sommes des petites structures, nous avons peu de moyen, ni les compétences en interne. Tout l’enjeu est donc d’autant plus grand. Je comprends que l’on puisse vite être effrayé. Au quotidien, nous sommes souvent happés par des problématiques sur d’autres questions plus concrètes et plus immédiates qui ne nous laissent pas le temps ou du moins pas assez pour parfaire ses connaissances et sa compréhension d’un tel projet.

Nous avons identifié un binôme cheffes de projet : moi-même et ma collègue Céline. Nous sommes très heureuses de travailler ensemble car nous avons des profils complémentaires. Personnellement, j’ai une plus grande expérience en termes de direction d’établissement et de déploiement de projet, de conduite de projet, de gouvernance et de réglementation publique. A contrario, ma collègue est bien plus informée et alerte que moi, sur tout ce qui est attrait au numérique et à l’informatique. Un langage qu’elle arrive plus facilement à décoder.

Je me suis investie sur ce projet pour parfaire mes connaissances. C’est un petit challenge car je n’aime pas, ne pas maîtriser certain domaine. Ce binôme, fait de 2 profils complémentaires, c’est quelque chose que moi je conseillerai aux grappes qui se constituent.

Nous avons dû mobiliser un temps assez conséquent avant le dépôt du dossier qui a pu s’apparenter à peut-être un 10% sur notre temps de travail sur au moins 6 à 9 mois. Bien sûr, il pouvait être plus concentré à certaines périodes. Pendant ces temps-là, nous avons aussi eu beaucoup d’échanges avec notre éditeur, que ce soit en termes de négociations, mises en commun, des données partagées, une mise à plat des facturations avec l’éditeurs, de réunions, de partages… On s’est posé les questions suivantes, vers quoi voulons-nous aller ? est-ce ce logiciel que nous voulons retenir ? que cela peut-il impliquer en termes d’engagement pour la suite ? Sommes-nous prêts à y aller ?

On entend beaucoup parler des remontées d’indicateurs, des usages, mais étions-nous vraiment prêts pour cela ? Car ok il y a un binôme, mais chaque établissement est responsable du déploiement dans sa résidence. Ce n’est pas nous qui irons déployer. Nous sommes des facilitateurs. Nous avons effectué le travail de décorticage, de compréhension pour déposer le projet dans un temps très court. Heureusement, notre éditeur a mis à notre disposition un assistant à maîtrise d’ouvrage (AMOA) pour nous épauler. Nous avons aussi été appuyé et soutenu par le Collectif SI MS Bretagne, le Groupement Régional e-santé et par l’Agence Régionale de Santé Bretagne. Nous avons eu de nombreux échanges avec chacun de ces organismes pour être sûr de bien comprendre le cahier des charges. Finalement, nous avons déposé notre dossier sous 3 semaines.

«Depuis l'arrivée de notre assistant à maîtrise d'ouvrage (AMOA), c'est un vrai soulagement pour notre binôme»

AD : Comment sont impliquées toutes les grappes ? Existe-t-il une gouvernance au sein de la grappe ?

MG : A la suite du dépôt du dossier au mois de mai, nous avons eu la notification des financements courant juillet. Nous avons débuté le projet en septembre en initiant un comité de pilotage pour savoir comment notre collectif allait pouvoir utiliser ces financements. Nous avons décidé d’utiliser notre enveloppe « usage » à une assistance à la maîtrise d’ouvrage.

Au niveau de la grappe, il y a un porteur juridique et financier qui est désigné par l’Agence Régionale de Santé Bretagne et qui redéploye ensuite les financements aux autres structures de la grappe.

Chez nous il s’agit du GCSMS. Le comité de pilotage a rapidement acté la gouvernance du projet. C’est-à-dire, les différents lieux d’échanges et de décisions, ainsi que les fréquences des rencontres. Du fait que le projet émanait du GCSMS, le niveau stratégique de prise de décision a été identifié comme le comité stratégique du GCSMS Part’Âge. Il nous permet ainsi d’identifier les grandes orientations stratégiques et la manière de les déployer. Donc cette grappe numérique est l’un des moyens, mais pas le seul. On se sert des objectifs plus vastes que ceux uniquement de la grappe même sur le plan numérique et informatique. C’est notre niveau le plus haut.

Ensuite, nous avons identifié ce fameux comité de pilotage comme instance de décision dans lequel on a souhaité que chaque établissement de la grappe soit représenté et de préférence par un binôme. Nous avons encouragé nos établissements à y participer avec leurs référents informatiques ou Dossier Usager Informatisé (DUI), qui peut tout aussi bien être un professionnel de santé. Mais il devra être aidant pour le directeur/gestionnaire pour déployer la solution en interne. Il vaut mieux toujours être deux à prendre connaissance, entendre toutes les informations et tout ce qui est attendu comme retombées (état des lieux et audit).

Le niveau terrain relève de la responsabilité du directeur de la structure avec un comité que l’on appelle : comité opérationnel de résidence. Aujourd’hui il n’est pas encore mis en place au sein de notre grappe, puisque nous en sommes au stade de la mise en concurrence pour le choix officiel de l’éditeur. Notre grappe est composée d’établissements publics entre autres et nous avons des obligations de respect des marchés publics d’où le fait qu’on doivent mettre en concurrence les éditeurs et rédiger un rapport d’analyse des différentes offres sur le marché.

Depuis l’arrivée de notre assistant à maîtrise d’ouvrage c’est un vrai soulagement pour notre binôme. Il a l’habitude de prendre en charge toute la partie structuration de la gouvernance, c’est quelque chose qu’il maîtrise très bien. Nous l’avions initié et il s’est très bien intégré dans la démarche que nous avions construite. Il est aussi capable de porter toute la communication autour de la vie de la grappe et du déploiement de la structure.

AD : Votre assistant à maîtrise d’ouvrage (AMOA), vous réunit à quelle fréquence ?

MG : On réalise un comité de pilotage tous les deux mois. L’assistant à maîtrise d’ouvrage vulgarise aussi des informations, nous transmet toutes les formalités adéquates etc. Ce sont d’autres aspects qui peuvent être vus aussi avec lui. Finalement le calendrier se déroule sans trop d’accro en faisant les choses étape par étape.

«Ce que l'on vise au-delà du déploiement d'un nouveau logiciel [...] c'est que tous nos établissement disposent de MSS
et bénéficient de ses facilités à venir».

AD : Ce qui transparaît dans votre récit, c’est que tous les professionnels sont impliqués. Ce n’est pas qu’une question SI finalement. Ça concerne tout autant la direction. On voit que l’accompagnement des professionnels est aussi important, n’est-ce pas ?

MG : Il s’agit de la prochaine phase. Au sein des comités de pilotage de la grappe il y a déjà des cadres de santé et c’est une première étape pour sensibiliser. Dans les faits, tous les établissements étaient déjà équipés d’un Dossier Usager Informatisé (DUI), donc on connait bien la place que cela peut prendre au quotidien pour les professionnels. Il y a les problématiques de « on passe trop de temps à réaliser de la traçabilité », « quel sens cela a », « on n’est plus auprès des usagers » … Il y a toute cette dimension que l’on connaît déjà. Nous continuerons à accompagner et à faire comprendre aux professionnels grâce au comité opérationnel de résidence. L’assistance à maîtrise d’ouvrage viendra dans chaque structure également, pour réaliser quelques sensibilisations et expliquer aux professionnels « qu’est-ce que le numérique ?» et « quels en sont les enjeux ? ».

AD : Finalement au niveau calendrier, il ne s’arrête pas juste à la fin des financements de l’Agence Régionale de Santé mais il se poursuit encore quelques mois, voire quelques années pour que cela prenne vie dans les structures.

MG : Si on parle « calendrier du projet » en lui-même, cité dans la convention signée avec l’Agence Régionale de Santé Bretagne lorsqu’on notifie les crédits, une date limite théorique de 12 ou 18 mois est mentionnée. Il y a des possibilités de report à partir du moment où l’on a la capacité d’expliquer concrètement les motifs du retard. On sait bien que les éditeurs sont très sollicités du fait de ces appels à projet et qu’ils peuvent rencontrer des difficultés à déployer dans de nombreux établissements.

Par ailleurs, pour nous l’appel à projet numérique fait partie d’une ambition d’une feuille de route numérique plus large au sein du GCSMS Part’Âge. Ce que l’on vise au-delà du déploiement d’un nouveau logiciel, (qu’on espère plus adapté et plus intuitif, plus communiquant pour alimenter le DMP), c’est que tous nos établissements disposent de messageries sécurisées de santé et bénéficient de ses facilités à venir.

Au-delà de ça, nous souhaitons mettre en place un comité utilisateur. On entend par là, un organe de partage, de réflexion, voire de construction qui réunit les référents logiciel de[AD1]  nos établissements. En effet, Je pense qu’on connaît tous des difficultés avec les équipes de terrain qui se saisissent plus ou moins bien de cette problématique. Ce n’est pas simple non plus ; certain peuvent avoir des appétences informatiques et d’autres moins ou finalement se sentir démuni, mal accompagné et donc ils peuvent lâcher prise voir même quitter nos établissements.

Ce qu’on constate également aujourd’hui, et qui doit être le cas de beaucoup ESSMS, c’est que notre éditeur n’est pas à la hauteur sur le champ de la formation. Nous essayons de lui faire prendre conscience de l’intérêt qu’il a aussi à développer des formations sur mesure pour les établissements, mais on se prépare à sa non-réponse sur ce champs-là. Ce comité utilisateur permettra de former des référents experts capables de rééchanger sur le paramétrage. Nous leur dégagerons du temps pour aussi aller dans d’autres structures et se réunir, partager les bonnes expériences, pour qu’on ne dépense pas chacun inutilement du temps. Nous voulons plutôt mutualiser nos ressources avec des pilotes identifiés sur tel ou tel champs et qu’ils puissent ensuite en faire profiter le collectif.

AD : Quel conseils donneriez-vous à une structure qui souhaite se lancer dans une grappe ?

MG : Mon premier conseil, c’est de constituer un binôme de préférence qui s’entende bien et qui se complète. Mon deuxième conseil c’est de travailler dans la convivialité et la transparence. Nous c’est ce que l’on a fait tout au long du projet.